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Wednesday, November 7, 2007

La censure au Liban

[Only French version available]
Voici l'intégralité d'un article local récent, qui apporte un éclairage très intéressant sur la culture libanaise.

La censure au Liban, une pratique floue et une législation périmée
L'article de May MAKAREM


Figure allégorique de la censure, dame Anastasie tenant de grands ciseaux et officiant à la Sûreté générale s’appelle … colonelle Hind Mneimné. Livres, journaux et magazines, chansons, pièces de théâtre, longs-métrages, films publicitaires passent sous sa loupe avant d’en permettre la diffusion au public. La pièce de Rabih Mroué, ayant vaincu la censure, a braqué sur elle les feux de l’actualité.

«Le tapage qu’il a soulevé a constitué finalement une véritable publicité pour sa pièce ! On lui avait juste demandé de s’abstenir de citer les noms des partis politiques pour ne pas réveiller les zizanies encore vives dans le pays », pour se conformer à la loi. Celle-ci, rappelle la colonelle, interdit tout ce qui porte atteinte à la moralité publique. Tout ce qui touche à la religion et aux religieux, et attise les dissensions confessionnelles ou politiques. « Je dirige un département exécutif. Nous obéissons aux instructions qui nous sont données, celles d’appliquer la loi sur les imprimés. Cependant, le vrai problème ne se pose pas à ce niveau, mais au niveau des textes qui ne sont pas souvent cohérents entre eux. D’autre part, la loi, créée en 1962, est devenue caduque et n’est plus en phase avec notre époque qui est bien plus permissive et ouverte. Aussi m’arrive-il parfois de la contourner … mais je ne peux pas faire plus. Je sais que nous vivons à l’ère de l’Internet et des blogs, mais si je n’applique pas la loi, je serai sanctionnée. »
La colonelle insiste toutefois sur le fait que son bureau n’est pas paranoïaque ; que les règles ne sont pas sauvagement appliquées et qu’elles ne sont pas faites pour bâillonner les citoyens, mais que la liberté d’expression s’arrête où commencent les insanités et le blasphème. Les films sur « le thème de la pornographie » et ceux « à la gloire de Satan », considérés « obscènes » et « dangereux pour les valeurs morales et familiales », sont évidemment interdits de distribution. Mais les scènes dites autrefois « indécentes » n’écopent plus de cette mesure restrictive, sauf « dans très peu de cas » et « jamais sans tenir compte de la cohérence du contenu », souligne-t-elle. Elle relève, à titre d’exemple, que la scène de sexe dans Rocky Mountain a été amputée, « non pas par étroitesse d’esprit, non pas parce que la scène était vraiment condamnable, au contraire la séquence était si belle qu’elle pouvait encourager les jeunes à entreprendre ce genre d’expérience. C’est par prévention qu’on a exigé une petite coupe. Pour protéger contre certaines dérives des personnes plus ou moins fragiles et sujettes à la faiblesse ».
En résumé, « le bureau ne charcute pas pour le plaisir de charcuter, tout au plus il restreint la portée de certains films à des audiences limitées (âge) ». De même, « on ferme les yeux sur beaucoup de choses » comme sur la fameuse « liste noire » des réalisateurs, acteurs et chanteurs, interdits par le bureau de boycott d’Israël (rattaché au ministère de l’Économie et du Commerce), et ce tant que le film ou sa bande sonore ne font pas la propagande de ce pays.
Quant à l’interdiction d’un livre, d’un magazine ou d’un film, la colonelle Mneimné indique qu’il n’appartient pas à son bureau de prendre une telle mesure. « La décision revient au ministère de l’Information, qui également supervise et gère les médias ; ou alors au parquet de cassation auquel se réfèrent les instances religieuses ou le plaignant ». Ainsi, le best-seller Da Vinci Code du romancier américain Dan Brown a été retiré des librairies « suite au souhait du Centre catholique d’information », en raison des propos « diffamatoires » contre l’Église et la référence à la vie privée de Jésus. « On vit avec cette pratique depuis longtemps, et on n’y peut rien. »

Les idées de Tarek Mitri
Eh bien, si, on y peut quelque chose, déclare le ministre Tarek Mitri, pour qui la liberté d’expression est un principe démocratique non négociable. Cette loi, qui est « très disparate, avec des décrets qui datent des années 40 et des textes sujets à diverses interprétations », est une tare. Il voudrait l’abolir et créer une « haute autorité nationale » ou « une instance d’arbitrage » pour la sauvegarde des libertés, de l’ordre public et de la moralité publique. « Le vrai problème, dit-il, c’est qu’on accorde la primauté au répressif, pas au préventif (…), il faut annuler la censure préalable et instaurer la censure postérieure où seraient juges les tribunaux. Les livres, les films circuleraient librement. Ensuite, si un individu estime qu’il est diffamé ou si le parquet juge qu’il y a trouble à l’intérêt public, un procès sera intenté, et, s’il est gagné, l’œuvre sera retirée. »
La proposition du ministre a été examinée en Conseil des ministres mais se heurte à « pas mal d’oppositions », principalement du côté des instances religieuses qui se sentent « déstabilisées sans l’appui d’une loi ». Un nouvel dispositif suppose « une mentalité évoluée » et « la culture du respect d’autrui. Or, nous n’avons pas accumulé suffisamment de respect mutuel pour oser franchir le pas… ».

Une publicité

Paradoxalement, les appels à la censure constituent une véritable publicité qui, en éveillant la curiosité du public, provoque l’effet inverse à celui recherché.
Les films Amen et La dernière tentation du Christ, ou encore l’ouvrage intitulé Les versets coraniques » ont reçu une publicité qu’ils n’auraient sans doute pas eue sans les menaces dont ces œuvres ou leurs auteurs ont été la cible.

Aperçu historique

Le combat pour la liberté d’expression remonte très loin dans le temps avec Euripide qui défend la liberté d’expression au IVe siècle avant J.-C. Et le plus célèbre cas de censure est celui de Socrate condamné à boire la ciguë pour avoir incité les jeunes à la débauche.
La censure a accompagné la liberté d’expression depuis le début de l’histoire. L’origine du terme remonte au poste de censeur, créé à Rome en 443 avant J.-C, dont le but était de réguler les mœurs.
La naissance de l’Église catholique et son besoin de maintenir l’orthodoxie développèrent la censure exponentielle. Nombre de mesures de censure furent appliquées pour éradiquer les menaces hérétiques au dogme chrétien. À titre d’exemple, en 1515 lors du Ve concile du Latran, le pape Léon X ordonne l’interdiction de faire imprimer les livres, dans les diocèses, avant examen des textes par l’évêque ou son représentant, sous peine d’excommunion.
Et en vrac, sous le règne d’Élisabeth Ire, le Master of Revels est chargé d’approuver les pièces de théâtre. En 1662, le Parlement anglais vote le « Licensing Act ».
Suite à l’affaire des placards, le 18 octobre 1534, le roi François Ier ordonne la chasse aux hérétiques et promulgue un édit contre les imprimeurs insoumis.
En 1692, Richelieu laïcise la censure jusque-là sous la responsabilité catholique.

En France, on charcute aussi

Pendant la Révolution française, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme solennellement que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. En 1810, un décret de Napoléon rétablit officiellement la censure, mais celle-ci disparaît lors de la promulgation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Toutefois, la censure théâtrale subsiste jusqu’en 1906.
Si la censure n’a jamais été rétablie officiellement en France, sauf en temps de guerre, notamment lors des deux guerres mondiales et celle d’Algérie, des faits de censure directe ou indirecte subsistent. Pour ne citer que quelques exemples, au milieu des années 80, un livre de Jean-Bedel Bokassa mettant en cause l’ancien chef d’État français Valéry Giscard d’Estaing au sujet de l’affaire des diamants a été mis au pilon.
Le grand secret, de Claude Gubler, ancien médecin du président François Mitterrand, est interdit par décision de justice peu de jours après sa parution en 1996. En juin 2000, le groupe de rock français Matmatah est condamné à 15 000 francs pour provocation à l’usage de stupéfiants et à la présentation sous un jour favorable de l’usage et trafic de drogue.
L’annulation par l’administration générale de la Comédie-Française des représentations de la pièce de Peter Handke, Voyage au pays sonore ou l’art de la question, constitue une forme de censure. Elle est la conséquence de la présence de Handke à l’enterrement du dirigeant serbe Slobodan Milosevic et, de manière plus générale, des opinions de Peter Handke sur le rôle de la Serbie dans les conflits yougoslaves des années 90.
Plus récemment, les médias français parlent de livres (comme celui de Serge Portelli) et de vidéos censurés sur Sarkozy. De même, la Sacem a censuré une chanson parodiant le chef d’État français.

May MAKAREM

© 2007, L'Orient-Le Jour. Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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